Idée reçue n°1 : les cryptos, ça pollue !

25 February 2024

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“Les cryptomonnaies consomment plus que des pays de plusieurs millions d’habitants, elles empêchent ces derniers d’accéder pleinement à leur électricité, ou pire, elles en font grimper le prix ! C’est une catastrophe environnementale, il faut interdire tout ça !”.

Ce discours vous est familier ? Probablement. 

Nous sommes en janvier 2022, et une large partie des médias comme du grand public persiste à clamer que les cryptoactifs constituent une terrible menace pour la santé de notre planète. Ces convictions se basent bien souvent sur des études qui, disons le franchement, ne comprennent réellement ni le fonctionnement de ce nouveau système, ni ce qu’il est censé remplacer. 

À qui s’adressent ces critiques ?

Commençons par le commencement. Ces attaques visent-elles Bitcoin ? L’ensemble des cryptoactifs ? Les plateformes d’échange centralisées ? Le fonctionnement même de la technologie blockchain, peut-être ? Dans la bouche des détracteurs, la réponse change en permanence. Et pourtant, elle change déjà à peu près tout.

Pour faire simple, il existe aujourd’hui deux grandes familles de cryptomonnaies : celles basées sur un fonctionnement PoS (Proof-of-Stake, ou preuve d’enjeu), et celles basées sur un fonctionnement PoW (Proof-of-Work, ou preuve de travail). Loin de nous l’idée de vouloir vous perdre sur des détails techniques mais la distinction entre les deux catégories, dans ce débat, s’avère fondamentale.

  • La PoS, en quelques mots, implique que les transactions sur la blockchain soient validées et le réseau sécurisé grâce au “blocage”, dans le protocole, d’un nombre important de jetons de la cryptomonnaie en question. Ce mécanisme, apparu chronologiquement dans un deuxième temps, offre l’avantage d’être extrêmement peu gourmand en énergie, bien qu’un peu moins sécurisé. Il concerne aujourd’hui l’immense majorité des projets de l’écosystème. Ceux-ci, d’emblée, se retrouvent donc exclus du débat sur leur impact environnemental ;
  • La PoW permet également de valider des transactions et de sécuriser le réseau, mais s’appuie pour ce faire sur des machines extrêmement puissantes, résolvant en permanence des opérations complexes. Celles-ci consomment, c’est un fait, une certaine quantité de ressources énergétiques pour fonctionner. C’est le cas de Bitcoin, qui catalyse donc à lui seul les débats sur la question.

Ceci étant dit, affirmer que les cryptomonnaies sont polluantes car on pense que Bitcoin l’est revient plus ou moins à dire que les États-Unis sont couverts de buildings puisque c’est le cas de Manhattan. Vous trouvez ça logique ? Nous non plus.

Une consommation à relativiser

Pour fonctionner, le réseau Bitcoin a effectivement besoin de consommer. Concrètement, ce besoin est estimé à 127.98 TWh par le Cambridge Center for Alternative Finance, en consommation annualisée. Un chiffre à relativiser, tant il est supérieur à ceux avancés notamment par l’ancien spécialiste de la sécurité Google Marc Bevand (14 à 27 TWh, chiffres de janvier 2018) ou par divers chercheurs de l’université d’Aalborg, au Danemark (31 TWh, toujours en 2018). Jean-Paul Delahaye, professeur émérite à l’université de Lille et mathématicien, estime par exemple que “40 TWh/an est une évaluation minimale totalement sûre”, et que “ceux qui contestent ce résultat ne sont pas sérieux”.

Toujours est-il que, en partant de la fourchette très haute de la consommation possible de Bitcoin, celui-ci consommerait donc un peu plus d’énergie qu’un pays comme la Norvège (124,3 TWh/an). Beaucoup, pas beaucoup ? Comment le déterminer ?

Comparaison de la consommation énergétique annuelle de Bitcoin avec celle d’autres industries

Au jeu des comparaisons, cette consommation resterait inférieure à celle utilisée pour la production de l’or (131 TWh/an), du cuivre (167 TWh/an), du ciment (384 TWh/an) ou du papier (586 TWh/an), et 10x inférieure à celle utilisée pour le fer et l’acier (1233 TWh/an).

Pour aller plus loin, ce serait même 17x moins que l’énergie nécessaire au fonctionnement de l’air conditionné (2199 TWh/an), beaucoup moins que celle utilisée par les data centers (200 TWh/an), à peine plus que celle consommée par les réfrigérateurs (104 TWh/an) aux États-Unis seulement (!), et à peu près la même chose que celle accaparée par les télévisions et l’éclairage domestique, aux États-Unis encore (120 TWh/an). Est-ce que la lumière allumée dans vos toilettes “détruit” la planète pour autant ? 

L’impossible comparaison

Au-delà de cette considération pour le moins philosophique se pose une autre question : à quoi Bitcoin peut-il réellement être comparé ? Si l’ensemble des réfrigérateurs sur cette planète consomme bien plus d’énergie que des états de millions d’habitants et que personne ne semble s’en offusquer, alors pourquoi une infrastructure monétaire complète et mondiale comme Bitcoin devrait subir un autre traitement ?

Bitcoin se trouve être à la fois un système de paiement, une unité de compte, et la possibilité pour tout individu de créer et gérer ses propres fonds, en totale autonomie. Quelle autre invention, aujourd’hui, peut se targuer de remplir les mêmes fonctions ?

Visa ? Il ne s’agit réellement que d’un circuit de paiement : enlevez les banques, enlevez l’euro ou le dollar, et Visa ne peut plus du tout opérer. Ajoutez à cela le fait que la consommation d’énergie de Bitcoin ne dépend aucunement du nombre de transactions effectuées (grâce au Lightning Network, elle peut même en réaliser des millions par seconde sans modifier son impact énergétique) ce qui est le cas de Visa, et la comparaison devient à peu près aussi pertinente qu’analyser la consommation d’un avion avec celle d’un aéroport. 

Non, pour juger pour de bon de la performance énergétique de Bitcoin, il faudrait la comparer à celle de l’ensemble du système bancaire, mais aussi à celle de toutes les industries liées à l’extraction de l’or. Bitcoin ne possède aucun “employé”, aucuns “locaux”, aucun “intranet”. 

Vous tenez vraiment à comparer ? Alors vous devez prendre en compte l’impact énergétique lié à chaque salarié de ces industries (leurs allers/retours jusqu’au travail, leurs appels, leurs mails, leur rémunération, même, et ce qu’ils font de celle-ci, ainsi que plus généralement chaque action de leur vie impactant un temps soit peu notre planète), celui lié aux locaux et infrastructures (leur coût de fabrication, de rénovation, de fonctionnement, l’éclairage, le matériel informatique…), au fonctionnement technique interne (systèmes de communication, intranet…) etc.

Problème : personne ne dispose de ces statistiques. Car elles prendraient des années à être rassemblées, d’une part. Car le système bancaire, lui, est très loin d’être transparent sur les chiffres de sa consommation, d’autre part. Et puisque celui-ci finance de façon avérée les industries fossiles (l’ONG Oxfam estimait en 2020 que l’impact carbone des seules banques françaises était… 8 fois supérieur à celui de la France entière), finalement, le flou peut se comprendre.

La question reste entière donc : comment définir la consommation de Bitcoin comme étant élevée ou pas, et surtout pourquoi ?

La réponse est simple : on ne peut pas. Car Bitcoin vise en fait à remplacer des industries toutes entières, déjà, car il propose un modèle qui n’a jamais été vu dans l’histoire de l’humanité, surtout. La question est plutôt : quelle devrait être la consommation d’un système monétaire parfait ? Un système monétaire parfaitement inclusif, sécurisé et automatisé ?

Doit-il être comparé à de grands rectangles métalliques dans lequel vous rangez des yaourts ? À des métaux en comparaison desquels il consomme jusqu’à 17x moins ? Au secteur de la construction, peut-être, environ 282x plus polluant ?

Vous avez 4 heures.

Le minage “vert”

Consommation ne signifie pas pollution, ensuite, et c’est une notion que beaucoup de critiques semblent oublier. Au Q2 2021, selon le Bitcoin Mining Council, 56% du minage de bitcoin s’appuyait sur des énergies vertes. Un chiffre tout sauf étonnant compte tenu des besoins des mineurs et de leurs caractéristiques. 

Deux choses principales à retenir à ce sujet :

  • Le matériel de minage offre l’avantage d’être très facilement transportable. Puisqu’il nécessite pour fonctionner seulement une connexion Internet, même de mauvaise qualité, celui-ci peut s’effectuer partout sur la planète, sans aucune contrainte géographique ;
  • Pour être financièrement intéressant, le minage doit logiquement s’appuyer sur les sources d’énergies les moins coûteuses. Devinez quoi ? C’est régulièrement le cas des énergies renouvelables.

En effet, celles-ci sont dites “non-pilotables”. Comprenez par là que les éoliennes tournent quand il y a du vent seulement, alors qu’une centrale à charbon fonctionne (normalement) à toute heure et en toutes circonstances. Si la demande énergétique augmente, vous ajoutez du charbon dans la centrale, l’offre se met à niveau, tout le monde est content. Si la demande augmente également pour l’éolien mais qu’il n’y a toujours pas de vent, et bien… celle-ci ne peut-être satisfaite. À l’inverse, si le vent souffle particulièrement fort mais que la demande stagne, vous produisez de l’énergie dont personne n’a besoin, et bien souvent, puisqu’elle est très difficile à stocker de façon durable, vous la perdez. Cette énergie supplémentaire, puisqu’elle est de toute façon vouée à disparaître dans très courts délais, est bradée à des prix inférieurs à ceux d’autres énergies. Logique.

Cette intermittence dans la capacité de production représente un désavantage majeur pour le système énergétique et sa viabilité économique, et ralentit donc la transition écologique. Les énergies renouvelables, pour être rentables, doivent pouvoir bénéficier du soutien d’industries très mobiles, capables d’absorber les surplus d’énergie que personne d’autre n’aurait sinon le temps d’utiliser. Vous l’aurez compris, c’est là que les mineurs de bitcoin interviennent.

Tout cela va encore plus loin puisqu’au-delà des énergies renouvelables, le minage va aussi se servir de certains “déchets” pour s’alimenter. Vous avez entendu parler du “ gas flaring” ?

Lorsque vous récupérez du pétrole à partir d’un puits, vous libérez par la même occasion un ensemble d’hydrocarbures pas franchement positifs pour la planète : des condensats, du gaz liquide ou encore du gaz naturel… Transporter ceux-ci coûterait trop cher, et les laisser s’évaporer serait catastrophique pour l’environnement. Dans ¼ des cas, ils sont donc simplement brûlés. Une aubaine pour les mineurs de bitcoin qui, eux, peuvent se servir de ces gazs pour alimenter leurs machines. Ces derniers ne payent rien (ou presque), la planète souffle un bon coup. Là aussi, tout le monde est content.

Bitcoin : une solution pour la planète ?

Cette question fera probablement chavirer quelques cerveaux, mais elle vaut pourtant la peine d’être posée : est-ce que Bitcoin, au contraire, ne serait pas plutôt une chance pour la santé environnementale de notre planète ?

Nos monnaies fiduciaires traditionnelles se définissent par leur dépendance à la création de dette et à la croissance infinie. Qu’il s’agisse de l’euro, du dollar, du yuan… L’inflation qui les caractérise implique une chose : il faut dépenser, et dépenser vite, sous peine de voir son pouvoir d’achat fondre comme neige au soleil. Depuis 2000, le dollar, la monnaie de référence mondiale, faut-il le rappeler, connaît un taux d’inflation de 61,9%. Votre grand-mère qui a planqué ses billets sous le matelas a donc vu la valeur de ces derniers chuter de plus de moitié sur cette période. Vous ne voulez pas finir comme votre grand-mère ? Alors il faut acheter, et tout de suite de préférence.

Bitcoin, lui, est fondamentalement rare, limité et non-manipulable. Il y en aura 21 millions, pas un de plus, et rien ni personne n’y changera jamais quoi que ce soit. Grâce au processus de halving, qui réduit de moitié la quantité de bitcoins émis tous les 4 ans, il s’agit d’une monnaie déflationniste. L’offre en circulation diminue, tandis que la demande augmente. Le bitcoin que vous possédez aujourd’hui vaudra peut-être le double demain, alors pourquoi le dépenser ?

Ce fonctionnement pousse les agents économiques à un comportement “rationnel”, à des années lumières de celui induit par l’inflation habituelle. Adieu la consommation immédiate et impulsive, dites bonjour à un comportement d’achat prévoyant et long-termiste.

Sauf à croire encore au concept de croissance verte, Bitcoin constitue aujourd’hui bel et bien la seule alternative à un système économique malade, basé sur une illusion de croissance infinie et de ressources naturelles gratuites.

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